Une interview donnée à Alternatives économiques, dans un hors-série du mois de novembre 2012 dédié à l'Economie Sociale et Solidaire à Nantes Métropole, où je reviens sur 10 années de soutien à l'ESS.

 

Depuis 2001, Jean-Philippe Magnen pilote les politiques publiques en matière d'économie sociale et solidaire sur l'agglomération nantaise. Retour sur dix années d'action.

 

Quel a été le rôle des politiques publiques dans le développement de l'ESS ?

Les politiques publiques que nous avons menées ont permis de coordonner les acteurs, de les consolider et de donner de la visibilité aux différentes actions. Ceci a été rendu possible par la mise en place de deux plans triennaux, le troisième devant être adopté en 2013. Nous avons structuré nos politiques publiques en direction de l'économie sociale et solidaire autour de deux axes : l'accompagnement de projets et le développement d'activités d'un côté ; la promotion du secteur de l'autre. En 2006, l'organisation de l'événement Ecossolies, qui a rassemblé 30 000 personnes, a constitué une étape essentielle. En effet, elle a permis un partage d'informations sur ce qu'est l'ESS et quelles sont ses perspectives. Reste bien sûr la question du grand public, qu'il faut mobiliser d'avantage à travers les thèmes qui les touchent dans leur vie de tous les jours, comme les circuits courts pour l'alimentation, la mobilité, etc.

 

Quel bilan dressez-vous de ces dix années d'action ?

L'axe de création, et du développement d'entreprises relevant de l'ESS a avancé, au travers notamment des coopératives d'activité et d'emploi généralistes ou sectorielles qui ont vu le jour. Elles ont été initiées dans le cadre de politiques publiques qui ont par ailleurs soutenu de nombreux petits projets. Force est de constater que ces derniers nous ont parfois influencés et que, sous leur impulsion, les politiques publiques ont évolué. C'est particulièrement vrai dans le domaine des déchets, de la récupération, par exemple dans des ressourceries, des recycleries, mais ça l'est aussi en matière d'économie numérique (avec une plus grande visibilité des données publiques) ou, à terme, au niveau de l'habitat. L'ESS est en effet porteuse d'actions intéressante dans ce domaine, l'idée étant désormais de les étendre plus largement. Dans les quartiers aussi, grâce à un travail « intercollectivités », une animation autour de l'économie sociale et solidaire s'est développé via des lieux collectifs de proximité.

 

Comment Nantes Métropole intervient-elle dans le domaine de l'ESS ?

Notre démarche de coproduction de la politique publique avec les acteurs a été innovante. Nous avons désormais l'habitude de travailler ensemble. Cela reste néanmoins une modalité de coopération singulière et pas toujours simple à gérer dans la durée. Nous avons d'abord fait le pari de la confiance sans imposer de cadre trop strict au préalable. Aujourd'hui, pour permettre à l'ESS de continuer à se développer, nous avons besoin de convergence, de clarification et d'un cadre plus formel. Toutefois, nous sommes attentifs à ce que les pouvoirs publics ne prennent pas complètement la main, la société civile doit continuer à avoir toute sa place.

 

Quelle est la place de l'économie sociale et solidaire dans le développement économique de l'agglomération ?

Aujourd'hui, c'est un élément de notre stratégie de développement économique. Elle a longtemps été considérée comme une économie qui coûte de l'argent ; or elle crée de la richesse... autrement ! Ce n'est pas juste une économie de réparation, mais également une façon d'entreprendre selon des critères différents de l'économie classique. C'est un des aspects de l'économie plurielle – position qui est loin d'être communément acceptée, notamment chez les élus.

Et en situation de crise, l'ESS a mieux résisté en raison des circuits courts qu'elle propose : partout, nous avons assisté à des relocalisations d'emplois, créateurs de liens autant que de biens. Mais c'est une économie qui a besoin d'être soutenue et cette hybridation des ressources est fondamentale pour consolider les structures et les rendre efficaces.

 

Quels sont les projets de Nantes Métropole ?

En 2013, Nantes sera la capitale verte de l'Europe ! C'est une reconnaissance européenne pour notre ville qui est porteuse d'une économie verte et solidaire. La transformation écologique génère une transformation sociale. C'est vrai dans le domaine de l'énergie, des déchets, de la réhabilitation de l'habitat, de la circulation douce... Cet événement sera aussi l'occasion de mettre en valeur les solutions proposées par l'économie verte et le réseau de l'ESS : on ne peut pas développer l'un sans l'autre. En 2012, Les Ecossolies vont également ouvrir un nouveau lieu, un pôle de coopération pilote pour développer l'économie sociale et solidaire.

Enfin, depuis le début 2012, nous avons engagé un travail prospectif – Nantes 2030 – posant la question : quel territoire pour demain ? Un processus participatif a été mis en place, les acteurs de l'ESS sont ainsi amenés à s'impliquer dans des groupes de travail thématiques où ils présentent leurs actions. Ces dernières préfigurent en effet ce que sera la ville de demain en matière de déplacement, d'habitat, d'alimentation...

En démontrant que le territoire se développe grâce à des actions économiques plus solidaires et que le politique s'approprie ces processus, nous souhaitons que les habitants s'emparent de ces alternatives, s'inscrivent dans des démarches relevant de l'économie sociale et solidaire. Les messages principaux, c'est que nous devons revenir à une économie réelle et que l'ESS ne se résume pas à des petits projets et à de l'insertion.

 

Propos recueillis par Anne Dhoquois – Alternatives Économiques Poche – novembre 2012.

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